Éditorial
Après l’émotion, la réflexion
Le thème de la 12e Biennale d'architecture « People meet in architecture » a rappelé le rôle important qui échoit aux architectes de contribuer à rassembler les gens, de les aider, par le biais de leurs réalisations, à se retrouver et à se comprendre. Un idéal pieux auquel il est important d'adhérer, les cynismes de tout ordre n'offrant guère de solutions face à la détresse du monde. Ainsi, les architectes chiliens, auteurs de la pierre immense qui ouvre l'exposition dans l'Arsenale (« The boy hidden in a fish »), ont placé leur œuvre sous le signe de l'espoir : « Après le tremblement de terre, les gens ont besoin de reconstruire un futur qui soit protégé, parfumé et pacifique. »
Un désir de partage d'émotions, et parfois aussi de foi en l'avenir, que l'on retrouve dans de nombreuses déclinaisons à travers la Biennale. Dans leurs installations diverses, les architectes proposent, non pas tellement des constructions ingénieuses ou des exposés dogmatiques, mais plutôt des univers à vivre, à expérimenter, à ressentir. L'émotion qu'elle soit provoquée par des formes et des matières, des lumières, de la musique ou des images est, en effet, ce qui peut le plus rapprocher des êtres humains qui se retrouvent dans un même espace. Et après l'émotion surgit la réflexion. Les sens s'éveillent et l'esprit s'aiguise.
A Venise, cette année, la figure de l'architecte star, omniscient et créateur d'objets de marque pour le compte de commanditaires en quête de prestige, s'est retrouvée quelque peu bousculée. A la place, on a vu ressurgir l'architecte artisan, celui qui s'efface, qui intègre un collectif d'énergies et de pensées, pour mieux servir un espace, une entreprise, des êtres humains.
L'exposition « Rock-Paper-Scissors » dans le pavillon luxembourgeois illustre à merveille cette ouverture au monde et aux gens. Le collectif Kadapak a utilisé avec agilité les espaces restreints du Ca'del Duca, proposant une série d'installations qui jouent sur les non-dits, les évocations, les impressions poétiques. Le visiteur est invité à faire travailler ses sens, à chercher les sens possibles de ce qui lui est présenté et, peut-être, à faire siens les espaces du Ca'del Duca, par exemple en se reposant un moment dans la cinquième salle, en ayant au préalable posé un vinyle sur le tourne-disque. Du John Coltrane peut-être ?