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Turelbaach : comme dans un conte de fées

Turelbaach : comme dans un conte de fées

Une construction unique en son genre, sortie d’un rêve, ainsi apparaît le domaine Turelbaach aux yeux du visiteur. A la fois poétique et fonctionnelle, c’est une fantaisie architecturale issue de la vision d’un seul homme, Pol Gilson.

Situé entre les localités de Mertzig et Dellen, Turelbaach est dissimulé dans un environnement idyllique, il y a un lac, les bois, les oiseaux … C’est une propriété privée, dont l’accès est interdit aux personnes non autorisées. C’est donc en compagnie de la propriétaire, Anny Gilson-Schaack, et de sa fille Pola Gilson, que nous avons eu la chance de visiter cet endroit merveilleux.

Nombreux sont ceux dans ce monde à emprunter les sentiers battus. Certains, comme Pol Gilson, préfèrent les chemins de traverse. En donnant vie à cet ocni (objet construit non identifié), cet habitant de Mertzig, grand passionné de musique, a réalisé un rêve d’enfance. Patiemment et passionnément, pendant plus de 40 ans, il a conçu, façonné, construit, un ouvrage singulier, avec pour seuls codes son goût et ses envies. Il en a résulté ce bâtiment étonnant, inclassable à tous points de vue, mélangeant allègrement influences méditerranéennes, germaniques et orientales.

Pol Gilson : un bâtisseur de l’insolite

Pol Gilson (sur la photo accrochée au mur)

Pol Gilson (sur la photo accrochée au mur) a été un bâtisseur visionnaire qui n’a cessé de travailler à réaliser son rêve.

Originaire de Mertzig, Pol Gilson a exercé toute sa vie la fonction de secrétaire communal, au sein des communes de Mertzig, Colmar-Berg et Heiderscheid. Même si sa carrière était éloignée du domaine du bâtiment, Pol Gilson avait une attirance très forte pour tout ce qui relevait du travail artisanal, du faire soi-même, de l’œuvre durable. « Il était issu d’une lignée de tailleurs de pierre, il avait cela dans le sang, c’était un touche-à-tout qui n’avait peur d’aucune tâche », nous explique Anny Gilson.

Outre la création artisanale, Pol Gilson avait aussi la passion de la musique, qu’il avait apprise depuis son enfance et qu’il a toujours exercée au sein de différentes fanfares. En 1960, il fonda les Turelbaacher Musikanten. Pendant de très longues années, il dirigea notamment la fanfare du Lycée classique de Diekirch.

Il rêvait d’habiter sur une île

La conjugaison de ces deux passions aiguilla Pol Gilson sur un projet de construction hors-du-commun. D’un côté, il cherchait un local pour les répétitions de son groupe. D’un autre côté, il possédait des terrains inexploités sur le site naturel du ruisseau Turelbaach, ainsi que d’autres terrains obtenus par des échanges de parcelle avec les agriculteurs voisins. Dans son esprit germa l’idée d’une construction à cet endroit qui serait à la fois atelier créatif, lieu de proximité avec la nature et plateforme d’échanges musicaux. « Il couvait un rêve depuis ses plus jeunes années, celui d’habiter sur une île », raconte Mme Gilson. Comme il n’y avait pas d’île à proximité de chez lui, il décida d’en créer une ! En effet, au cœur de son domaine se trouvait une vaste prairie marécageuse, abreuvée par le cours du Turelbaach. En 1964, Pol Gilson posa la première pierre d’un ouvrage dont il était encore loin de saisir l’ampleur qu’il prendrait. Il construisit d’abord la maison, puis, quatre ans plus tard, il décida d’aménager l’étang à l’aide d’un ami entrepreneur. Avec la terre extraite, il façonna les berges et créa deux îles artificielles, qu’il renforça avec des remblais de pierre brute.

Eloigné de toute agglomération, déconnecté du réseau électrique, Turelbaach constitue un univers empreint de poésie, à la fois excentrique et d’une simplicité biblique. Pas étonnant que le site ait servi de décor de tournage pour des films nationaux et internationaux !

L’économie circulaire avant l’heure

Le site devint l’atelier en plein air de Pol Gilson, qui y passait tout son temps libre. Un cousin marbrier lui fournissait une grande quantité de pierres récupérées sur d’autres chantiers ou provenant de carrières locales. Anny Gilson : « Les gens dans le village amenaient eux aussi des matériaux dont ils n’avaient plus besoin, car ils savaient que Pol trouverait bien le moyen de les utiliser. »

Les encadrements gothiques des fenêtres de la dépendance sont un exemple de cet esprit de récupération. En effet, ils proviennent d’une ancienne balustrade de la cathédrale de Luxembourg, Pendant de nombreuses années, ces pierres avaient traîné sur le chantier de l’entrepreneur Agnes, jusqu’au jour où celui-ci décida de les offrir à Pol afin de leur donner une nouvelle vie.

Tous les éléments qui composent le domaine du Turelbaach s’inscrivent dans cette approche associant pragmatisme, fonctionnalité et éclectisme. Pol Gilson s’arrangeait avec ce qui lui arrivait dans les mains, en faisant fi de tout style d’architecture. Ce qui comptait, c’était son intuition, son envie et son plaisir du jeu.

C’est ainsi que, considérablement aidé de ses enfants et, pour les travaux plus lourds, de quelques parents, le bâtisseur en herbe édifia progressivement un ensemble aussi monumental qu’émouvant. Un véritable château hors-norme qui fascine par sa radicalité, son humour et sa bonhomie. La structure, qui a la forme d’une virgule, est composée d’un pont, d’une maison d’habitation, d’un belvédère, d’une salle de musique, de tours de différentes formes et d’une galerie avec arcades. Le tout est agencé autour d’un patio semi-ouvert ponctué d’une belle fontaine centrale.

« On passait presque tous nos week-ends au Turelbaach, se rappelle Anny. Mais on ne venait pas pour se prélasser. Il y avait toujours quelque chose à faire, à transporter, à nettoyer, à tailler, à planter ou à réparer ! D’ailleurs, on n’oubliera jamais les superbes fêtes de famille et les 25 années de rencontres musicales qui attiraient chaque année des centaines de participants en provenance des quatre coins du pays. Grâce à toutes ses activités, le Turelbaach est resté un site avec des souvenirs merveilleux et inoubliables pour toute la famille. »

Music is in the air

Partout sur le site, également dans les intérieurs, les symboles musicaux abondent, et ce sur les supports les plus divers. Pol Gilson s’exerçait à tous les talents, il menuisait, peignait, décorait, gravait. Il a ainsi réalisé une étonnante série de vitraux de musiciens ou encore un grand lustre dans lequel est taillé un orchestre.

Même si Turelbaach resta toujours un « work in progress » auquel Pol Gilson n’avait de cesse d’apporter des ajouts ou des adaptations, dès le départ son propriétaire voulut l’ouvrir à la vie et au partage. Le site gagna une notoriété nationale comme lieu indissociable de la musique. D’un naturel enjoué et généreux, Pol Gilson aimait accueillir sur son petit coin de paradis des amis musiciens venus de toutes parts.

Jusqu’à son décès en 2007, Pol Gilson ne cessa jamais de travailler sur sa propriété du Turelbaach, son magnifique « château sur une île ».

Texte & photos : P. Lobo

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