Opinions - Pour une architecture critique
L'A.s.b.l. Carnet d'Opinions vient de lancer le premier numéro de la revue "Opinions - pour une architecture critique". L'ouvrage de 84 pages se définit comme une nouvelle plateforme de réflexion sur l'architecture, ouverte aux autres acteurs de la vie intellectuelle et artistique. Il peut être commandé directement auprès de l'éditeur sur le site internet www.carnetdopinions.lu
Ce premier numéro d'Opinions est l'occasion d'ouvrir des pistes, au Luxembourg, pour des pratiques architecturales plus réflexives et des processus urbanistiques plus inclusifs. La publication est entièrement consacrée à un premier dossier spécial intitulé "Participation et dialogue dans le projet urbain". Les textes rassemblés proposent d'examiner les apports et les limites des processus participatifs tels qu'ils ont été expérimentés ces vingt dernières années à Bruxelles, avant d'interroger l'existence d'une culture civique luxembourgeoise, propice au développement d'une participation citoyenne autour des questions d'architecture et d'aménagement du territoire.
Dans un premier texte, Nicolas Hemeleers montre, à partir d'une histoire accélérée des politiques de rénovation urbaine à Bruxelles, comment celles-ci se sont détournées dans les années 1970 de projets radicaux de grande échelle déployés de manière autoritaire, vers des opérations plus modestes, d'échelle réduite, mais permettant de développer davantage de transversalité, de qualité et de dialogue des opérations qui culmineront avec la création du dispositif « contrat de quartier ». Loin d'en rester là, Hemeleers souligne l'ambivalence de ce « succès de la petite échelle »: aujourd'hui, il semble difficile aux représentants politiques et administratifs de se coordonner au-delà de cette petite échelle de prédilection, et de renouer avec une certaine ambition et une certaine ampleur dans le projet urbain.
Dans le texte suivant, Loïc Géronnez s'interroge sur la capacité des dispositifs participatifs bruxellois de faire advenir des formes de « démocratie directe », dans lesquelles les participants citoyens, au-delà de donner leur avis occasionnellement ou de participer aux pratiques civiques qui leur sont proposées (verduriser leur quartier, prendre part à la création d'un potager urbain), bénéficieraient d'un certain pouvoir de décision. Décrivant deux dispositifs (l'« appel à projets de quartier » et le « contrat de quartier »), il montre comment le point fort du premier (la grande autonomie laissée aux citoyens dans la mise en œuvre des projets de quartier) et le point fort du second (la présence de budgets importants et d'enjeux réels en matière de production matérielle de la ville) devraient pouvoir être combinés.
Vincent Calay nous amène pour sa part au cœur du « quartier européen »de Bruxelles et nous donne un exemple de « participation en régime d'internationalisation» qui ne manquera pas d'intéresser le lecteur. En s'inspirant d'un ouvrage récent du sociologue américain Richard Sennett, il pose les exigences d'une « coopération exigeante » dans le domaine des politiques de la ville. Décrivant la concertation organisée autour d'un projet de réaménagement du quartier européen, il explique comment les acteurs institutionnels de la concertation échouent à inscrire celle-ci dans les logiques d'une « coopération exigeante », (1) que cela soit en proposant un mode de discussion dialectique, oppositionnel, plutôt que dialogique, (2) en privilégiant, sur le plan de l'expression, l'assertion plutôt que le doute, et enfin, (3) en témoignant aux citoyens mobilisés une sympathie qui ne peut être confondue avec une position d'empathie exigeant un véritable échange des perspectives.
Loin d'être entièrement satisfaisante à Bruxelles, la participation citoyenne aux politiques architecturales et urbanistiques a-t-elle un avenir au Luxembourg ? Peut-elle compter sur certains ferments au niveau d'une histoire civique et d'une culture de la citoyenneté active ? C'est à ces questions que s'attaque Robert Philippart dans le dernier texte du dossier. Arguant de l'importance d'un éclairage historique sur ces questions, il brosse le tableau d'une tradition citoyenne « bien en place », à travers notamment une pratique de la pétition, largement répandue. Comment progresser de ces pratiques de mobilisation plutôt arc-boutées sur la propriété et la défense d'intérêts individuels vers des formes de dialogue plus larges, plus politiques, en amont des projets ? Pour Philippart, seule l'éducation des citoyens et des dirigeants, possible à travers le développement d'institutions capables de diffuser les connaissances en matière d'architecture et d'urbanisme permettront de faire évoluer les mentalités.
Revue annuelle
Numéro 1 / Septembre 2012/ 84 pages
La revue est réalisée et éditée par :
L'A.s.b.l. Carnet d'Opinions
24, rue Goethe
L-1637 Luxembourg
Comité de rédaction :
Shahram Agaajani - rédacteur en chef
Dr Robert L. Philippart, historien
Dr Mathieu Berger, sociologue