Toutes les nuits du monde
Miguel Câncio Martins
La nuit a-t-elle beaucoup changé ces dernières années ?
Nous sommes toujours dans un désir d'espace, mais de façon moins spectaculaire et grandiose que dans les années 90. Les gens recherchent des ambiances teintées de plus d'intimité. Ainsi, je travaille actuellement à Glasgow sur un restaurant indien, dans lequel un étage entier sera constitué de petites salles privées très cosy, avec coin de cheminée. La Lambretta répond aussi à ce désir de convivialité dans un lieu chaleureux et protecteur.
Il y a toujours un cycle de réaction et contre-réaction. À un moment donné, on recherche un certain type d'espace qui répond à un air du temps', par exemple en temps de crise, on cherche la distraction. Dans les années 90, des lieux imposants comme le Buddha Bar ou le Man Ray ont permis aux gens, qui se retrouvent souvent seuls dans les grandes villes, non seulement de se divertir et de faire la fête, mas aussi de se rencontrer et se parler. Arrive ensuite un moment où l'on n'a plus autant envie d'être dans un espace où l'on voit tout le monde, avec beaucoup de bruit et de musique, et l'on se tourne vers des ambiances plus intimes, mais tout aussi raffinées et à l'atmosphère affirmée.
Quelle est la part des apparences et de l'authentique dans vos créations ?
Dans les espaces publics comme des restaurants ou des lieux branchés, le plus important est de réussir la façade. Comme au théâtre, il faut veiller d'abord à la qualité de ce qui se passe sur la scène, de ce qui est exposé au regard des gens. Spécialement dans les grandes villes, le public cherche constamment les nouveautés, il veut être surpris, séduit. Voilà pourquoi, dans ces établissements, on ne cherche pas spécialement à accumuler un vécu, on veut plutôt être prêts à changer de décor et à évoluer, parfois d'un moment à l'autre.
Êtes-vous sensible aux questions environnementales, énergétiques, de développement durable ?
De plus en plus. C'est une nouvelle direction que je veux donner à mon travail. Je considère qu'il est temps d'agir, j'ai une fille, je pense naturellement davantage au futur, et je souhaite contribuer à sensibiliser les esprits et les maîtres d'ouvrage. Car l'écologie est aussi une opportunité pour le développement économique, dans le respect des ressources disponibles. Je travaille actuellement sur le projet d'un hôtel à Comporta (petit village balnéaire au sud de Lisbonne) qui repose sur un concept entièrement écologique, avec le recours à l'énergie solaire, à des systèmes de récupération d'eau de pluie et à des matériaux durables.