La cité transparente
À l’occasion de sa première participation à la Biennale du Mois européen de la photographie, le Musée Dräi Eechelen a invité l’artiste luxembourgeois Yann Tonnar. Celui-ci a présenté un travail inédit qui s’appuie sur une série d’images composites, inspirées de neuf lithographies « Vues de Luxembourg », publiées en 1828-1829. Ces œuvres, comprenant six dessins de Jean-Baptiste Fresez (1800–1867) et trois de son élève Jean-Nicolas Bernard (1803–1866), font partie intégrante de l’imaginaire visuel de la capitale, tant elles ont imprégné les représentations historiques de la ville. Avec le temps, ces vues ont pris une dimension presque nostalgique, voire romantique, évoquant le Luxembourg d’antan, celui de l’époque fortifiée.
Dans son approche artistique, Yann Tonnar juxtapose les lithographies d’origine à des photographies prises aujourd’hui depuis les mêmes points de vue. Le résultat : des images où passé et présent se fondent en une seule vision, créant un pont visuel entre 1829 et notre époque. Ce procédé de collage numérique révèle ainsi les multiples strates temporelles du paysage urbain et donne à voir l’évolution de la ville sur deux siècles.
Sur certaines images, des fragments du présent sont intégrés au passé, alors que dans d’autres, des murs de fortification semblent avoir poussé dans l’environnement qui nous est familier. Les lithographies datent d’avant le démantèlement de la forteresse, en 1867, si bien que l’exposition ne montre pas une ville qui se construit, qui s’étend, mais plutôt une ville qui change : les constructions militaires s’effacent pour laisser place à des tours, à des immeubles, mais aussi à des espaces verts.
On prend plaisir à s’approcher des œuvres et essayer de trouver d’où le cliché a été pris. On se prend vite au jeu de chercher les changements qui ont été opérés en près de deux siècles. On prend plaisir à retrouver les petits clins d’œil laissés par l’artiste : on repère des touristes côtoyant les soldats en uniforme, on surprend des motos qui passent par les portes de l’enceinte fortifiée, on décèle un train CFL qui s’apprête à transpercer une forteresse il y 200 ans.
Au-delà de la dimension esthétique, ce dialogue entre lithographie – une technique d’impression révolutionnaire du XVIIIe siècle – et photographie numérique, met en lumière la rencontre de deux époques, de deux manières de capter et de transmettre le réel. Par ce mélange de techniques, l’artiste crée des œuvres hybrides qui questionnent en profondeur les mutations du cadre urbain.
Commandée spécifiquement pour l’édition 2025 de l’EMOP, cette série invite à une réflexion sur la transformation de Luxembourg : entre mémoire collective et dynamiques contemporaines, entre héritage historique et enjeux urbanistiques actuels. Elle propose ainsi un regard renouvelé sur les identités multiples de la ville, façonnées par le temps, la culture et l’architecture.
Les lithographies qui ont servi de base aux œuvres de Yann Tonnar sont affichées à côté de la salle de l’exposition. Une occasion de visiter le Musée Dräi Eechelen, et d’en apprendre plus sur cette époque mouvementée quand Luxembourg était une forteresse imprenable.
Exposition La cité transparente
Yann Tonnar
24 avril au 16 novembre 2025
Musée Dräi Eechelen
Mois européen de la photographie
Entrée gratuite