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Publié le mercredi 23 novembre 2016

Le marché du délogement à Lisbonne

Terramotourism : quand la gentrification chante le fado

TERRAMOTOURISM | O Documentario from Left Hand Rotation on Vimeo.

Dans la même ligne que « Die Stadt als Beute », on vous recommande cet excellent documentaire « Terramotourism » qui aborde avec beaucoup d'acuité et d'émotion la violence urbanistique et sociologique exercée sur la ville de Lisbonne.

On le sait, le boom touristique de ces deux ou trois dernières années représente pour la ville blanche à la fois une chance historique et un énorme défi en termes de gestion des flux et des infrastructures.

Longtemps, Lisbonne a été une capitale à l'esprit provincial, se coulant des jours paisibles et ensoleillées en voyant couler les eaux du Tejo.

Mais voilà que soudain Lisbonne devient the place to be, l'une des destinations préférées des touristes du monde entier, un lieu branché, dynamique, empreint de traditions et de culture, avec une lumière unique au monde, et situé dans un environnement naturel – l'estuaire du Tejo – d'une beauté à couper le souffle.

Soudain tout le monde says I love you Lisboa.

Ça, c'est le côté positif de l'histoire.

Ce qui est moins sympa, c'est que cet engouement massif se traduit par la ruée des capitaux en tous genres, portant notamment sur le marché de location et du logement. D'un côté, des investisseurs achètent à tout va des immeubles dans les quartiers populaires pour y aménager des chambres et appartements destinés aux touristes ; d'un autre côté, des promoteurs se lancent dans des projets constructifs d'envergure, résidences, hôtels, logements luxueux recherchés par une clientèle aisée et férue de « urban lifestyle ».

Devant le gonflement des prix immobiliers, les anciens proprios se lèchent les babines, trop heureux de réaliser des plus-values absolument insensées, et vendent, vendent, sans se soucier de leurs locataires – pour la plupart, des personnes et des familles purement lisboètes depuis des générations. En fait, les vrais Lisboètes quoi, ceux qui font les marchas de Sao Joao, dont les enfants jouent dans les ruelles, qui animent les petits commerces et les marchés, etc. Sommés de quitter leurs logements, ils n'ont d'autre choix que de partir vivre dans la périphérie, dans des cadres nettement moins reluisants que les décors chromo d'Alfama, d'Alcantara ou de Mouraria.

Entretemps, une nouvelle population s'installe, des classes plus nanties, un mix de nationalités, des créatifs et des financiers, que la vie est belle à Lisbonne et qu'ils chantent bien le fado ces natifs !

La disneyfication de la cité avance à grand pas ; des immeubles anciens sont violentés, démolis ou dénoyautés, des aménagements publics pharaoniques sont entrepris, des pans entiers de quartiers sont livrés aux visionnaires promoteurs/architectes/politiques/ teneurs de marché. Soi-disant, il est question de « réhabilitation », de « revalorisation », mais les dégâts sociaux, culturels et historiques sont gigantesques et presque toujours irréversibles.

C'est ce phénomène de « délogement » des quartiers qui est au cœur du film Terremotourism, que vous pouvez visionner dans l'intégrale sur Viméo.

Des mutations dictées par la cupidité des acteurs privés et le manque de vision à long-terme des pouvoirs publics.

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